Pharma - Pénuries de médicaments: panique sur les génériques


ZURICH - Une nouvelle affaire ébranle l'approvisionnement du Vieux continent en génériques. Le Comité européen des médicaments à usage humain (CHMP) a confirmé fin mai une recommandation de suspendre ou refuser l'homologation de plusieurs centaines de ces traitements de substitution, dont les analyses de bioéquivalence avec les traitements de référence avaient été confiées au sous-traitant indien Synapse Labs.

"Pour la majorité des médicaments testés par Synapse Labs pour le compte de sociétés de l'UE, le CHMP a conclu que les données à l'appui étaient incomplètes ou insuffisantes pour démontrer la bioéquivalence et a par conséquent recommandé la suspension des autorisations de mise sur le marché de ces médicaments," explique un document diffusé mi-juin par l'Agence européenne des médicaments (EMA).

Les géants occidentaux des génériques ne sont pas épargné par ce scandale. Le mastodonte helvétique Sandoz, son homologue israélien Teva ou encore l'américain Mylan côtoient ainsi les indiens Aurobindo Pharma ou Dr Reddy's dans la liste des nombreux clients de Synapse concernés par les mises à ban européennes.

Insistant sur le fait qu'il n'existe aucune preuve de nocivité ou d'inefficacité des génériques concernés, le régulateur du Vieux continent attend que des résultats d'études provenant de sources plus fiables soient disponibles avant de lever ses suspensions.

Contacté par l'agence AWP, Swissmedic assure avoir pris connaissance dès décembre des conclusions de l'enquête européenne sur Synapse. Le gendarme helvétique des médicaments ayant identifié moins de dix préparations concernées, il n'avait alors pas jugé opportun de communiquer sur le sujet. Les titulaires des autorisations relatives ont toutefois été enjoints de prendre position et de présenter de nouvelles études de bioéquivalences réalisées par d'autres sources.

Celles qui ont été soumises depuis ont été acceptées sans exception, quand certains titulaires ont simplement renoncé à leur autorisation, a expliqué un responsable du gendarme suisse des produits thérapeutiques.


Pharma - Drugshortage.ch, initiative privée à la portée nationale

ZURICH - "Je me suis intéressé pour la première fois aux pénuries de médicaments en 2002," se souvient Enea Martinelli. L'introduction à l'entame de cette année-là d'une nouvelle loi sur les produits thérapeutiques impliquait quelques restrictions pour la pharmacie des hôpitaux de Frutigen Meiringen Interlaken dont il a toujours la charge.

Déplorant une absence en Suisse de vue d'ensemble sur l'approvisionnement en médicaments, le praticien s'était alors penché sur les programmes déployés dans d'autres pays pour faire face à un phénomène de portée mondiale. Son attention s'est portée sur la plateforme canadienne penuriesdemedicamentscanada.ca, fruit d'une concertation publique-privée et lancé en 2012.

Confronté à une industrie du médicament peu coopérative d'une part et des autorités réticentes à prendre la mesure de l'importance de cartographier les pénuries de l'autre, Enea Martinelli a décidé de prendre les choses en main. En septembre 2015, naissait drugshortage.ch.

"J'ai décidé de monter le site drugshortage.ch en régie propre et de le financer sur mes propres deniers. C'est un peu fou, je sais, mais il fallait que ce soit fait," s'exclame M. Martinelli.

Et les premiers temps ont apporté leur lot de tribulations. "Au début, des entreprises m'ont menacé de poursuites pénales si je continuais à affirmer qu'elles n'étaient pas en mesure de livrer leurs produits," se rappelle-t-il. L'homme a pu compter sur le soutien compréhensif de son épouse, pharmacienne comme lui, ainsi que des conseils avisés d'un ami, qui lui a recommandé de placer le site derrière une holding de manière à détourner les menaces de sa propre personne.

Reprenant l'infrastructure du site canadien, son pendant helvétique vise à recenser un large spectre de médicaments. Il s'est rapidement imposé comme un incontournable complément à la base de données fédérale, mise en service à l'automne 2015 également qui se contente, elle, des seules préparations jugées d'importance vitale.

Le portail recense ainsi 612 produits non livrables, dont 72 analgésiques, 60 antipsychotiques, 54 antibiotiques et 36 traitements antidiabétiques. Parmi les principales sociétés incriminées figurent Mepha Pharma, Sandoz et Helvepharm, l'exploitant du portail soulignant toutefois que leurs produits peuvent éventuellement être trouvés chez un grossiste.

"Le problème du mandat confié à l'Office de l'approvisionnement économique du pays réside dans le fait qu'il n'est conçu que pour les cas de crises, alors que la situation tendue que nous vivons constitue une sorte de normalité," déplore M. Martinelli.

Sa plateforme a depuis acquis une notoriété bien au-delà du cercle des pharmaciens hospitaliers, au point d'être citée par l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) comme référence pour les pénuries de médicaments au-delà des seules préparations d'importance vitale.

Une reconnaissance dont se passerait volontiers son concepteur, pour qui la sécurité des patients relève des tâches de l'Etat.

Le 25 juin 2024. Sources : Keystone-ATS. Crédits photos: Adobe Stock, Pixabay ou Pharmanetis Sàrl (Creapharma.ch).

Les dernières news

Inscrivez-vous à notre newsletter gratuite du vendredi