Le cerveau de souris exploré avec une précision inégalée
SEATTLE / VILLIGEN AG - Pensée, émotions, conscience - nous ne comprenons qu'en partie comment le cerveau fonctionne. Une équipe de recherche internationale avec participation suisse a étudié cellule par cellule un minuscule morceau de tissu cérébral de souris.
Dans un millimètre cube, les scientifiques ont trouvé 84'000 neurones, selon une série d'études réalisées par plus de 150 chercheurs d'Allemagne, de Grèce, de Suède, des Etats-Unis et de Suisse. En outre, il existe environ un demi-milliard de points de contact entre les cellules nerveuses - les synapses - et environ 5,4 kilomètres de câblage neuronal.
Le schéma de câblage obtenu et les données correspondantes ont une taille de 1,6 pétaoctet - ce qui correspond à 22 ans de lecture vidéo HD ininterrompue, selon l'Allen Institute, un institut de recherche à but non lucratif impliqué dans le projet.
Les résultats du projet commun "Microns" (Machine Intelligence from Cortical Networks) ont été publiés mercredi dans les revues spécialisées du groupe Nature. L'Institut Paul Scherrer de Villigen (AG) a participé à l'étude en Suisse.
Les scientifiques de "Microns" ont d'abord enregistré, à l'aide de microscopes, l'activité d'environ 75'000 neurones dans une partie d'un millimètre cube du cortex visuel d'une souris à qui l'on avait fait écouter différents enregistrements vidéo pendant plusieurs jours. L'animal avait été génétiquement modifié de telle sorte que ses neurones émettaient une protéine fluorescente lorsqu'ils étaient actifs.
La souris a ensuite été tuée et le même millimètre cube de cerveau a été découpé en 28'000 couches. Des images haute résolution ont été prises de chaque couche. Une autre équipe a quant à elle eu recours à l'intelligence artificielle et à l'apprentissage automatique pour reconstruire les cellules et les connexions en 3D.
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Nouvelles perspectives
Selon l'Allen Institute, ces résultats offrent de nouvelles possibilités d'étudier le cerveau, notamment les maladies telles que la maladie d'Alzheimer, la maladie de Parkinson, l'autisme et la schizophrénie, dans lesquelles la communication neuronale est perturbée.
A l'avenir, ces schémas de câblage pourraient être utilisés pour comparer le câblage cérébral d'une souris saine avec celui d'un modèle de maladie.
L'une des découvertes les plus surprenantes de l'équipe a été la découverte d'un nouveau principe d'inhibition dans le cerveau. Jusqu'à présent, on pensait que les cellules inhibitrices se contentaient d'atténuer directement l'effet d'autres cellules.
En réalité, le processus est plus complexe: les cellules inhibitrices s'adressent aux cellules cibles de manière parfois très sélective dans un système de coordination et de coopération. Certaines cellules inhibitrices travaillent ensemble et suppriment plusieurs cellules excitatrices, tandis que d'autres s'adressent plus précisément à certains types seulement.
Le cortex visuel de la souris présente des similitudes avec celui d'autres mammifères, y compris l'humain. "Ce travail représente un grand pas en avant et offre une ressource commune inestimable pour les futures découvertes en neurosciences", écrivent Mariela Petkova et Gregor Schuhknecht, de l'Université de Harvard (Etats-Unis), dans un commentaire publié dans Nature.
Le projet "Microns" est à ce jour le jeu de données le plus complet qui relie la structure du cerveau à l'activité neuronale d'un mammifère actif.
Le 9 avril 2025. Sources : Keystone-ATS. Crédits photos: Adobe Stock, Pixabay ou Pharmanetis Sàrl (Creapharma.ch).