Prix Nobel - La création de nouvelles protéines au coeur du Nobel de chimie


PARIS - Prédire la structure des protéines et en créer de nouvelles pour soigner des pathologies ou dégrader les plastiques: le Nobel de chimie a récompensé mercredi un ensemble de travaux sur ces molécules essentielles au fonctionnement des organismes vivants.

Les protéines sont des molécules qui jouent un rôle fondamental dans presque toutes les fonctions des organismes vivants. Elles sont constituées d'un enchaînement d'acides aminés, des briques de base de 20 sortes différentes, qui peuvent être combinées de manière infinie.

En suivant les instructions stockées dans l'ADN, les acides aminés d'une protéine sont liés entre eux pour former une longue chaîne qui se tord et forme une structure spécifique en trois dimensions. L'ordre d'enchaînement des acides aminés détermine quelle va être la structure tridimensionnelle de la protéine. Et c'est cette structure qui donne à la protéine sa fonction.

"Votre système immunitaire, c'est des protéines, la digestion, c'est les enzymes, qui sont aussi des protéines", explique à l'AFP Sophie Sacquin-Mora, biochimiste au Laboratoire de biochimie théorique du CNRS français.

"Chercher une structure, c'est vouloir avoir une protéine qui a une fonction spécifique. La nature fournit déjà des dizaines de milliers de protéines différentes, mais parfois, on voudrait qu'elles fassent quelque chose qu'elles ne savent pas encore faire", poursuit-elle.


Qu'ont découvert les lauréats?

L'Américain David Baker a "craqué le code" de la séquence d'acides aminés, selon les mots du Comité Nobel. Il a dessiné une structure de protéine entièrement nouvelle, puis à l'aide de Rosetta, un programme informatique qu'il a créé, il a réussi à déterminer quelle séquence d'acides aminés pourrait permettre d'arriver à un tel résultat.

Rosetta a exploré une base de données de toutes les structures protéiques connues et a recherché de courts fragments de protéines présentant des similitudes avec la structure souhaitée. Le programme a ensuite optimisé ces fragments et proposé une séquence d'acides aminés.

Le Britannique Demis Hassabis et l'Américain John Jumper ont, eux, fait le chemin inverse, en prédisant à quoi allait ressembler une protéine à partir de la séquence d'acides aminés. Pour cela, ils ont utilisé l'intelligence artificielle.

En utilisant les réseaux de neurones artificiels et l'apprentissage profond, pour lesquels John Hopfield et Geoffrey Hinton ont reçu mardi le Nobel de physique, ils ont entraîné leur modèle, AlphaFold2, en le nourrissant de toutes les séquences d'acides aminés et structures correspondantes connues jusque-là.

Face à une séquence inconnue, AlphaFold2 compare les similitudes avec des séquences déjà connues et élabore une carte estimant quelle est la distance entre chaque acide aminé dans la protéine puis parvient peu à peu à reconstruire le puzzle en trois dimensions. Ils ont ainsi pu prédire la structure de la quasi-totalité des 200 millions de protéines connues.

Mieux comprendre certaines maladies

Visualiser la structure d'une protéine permet de "mieux comprendre pourquoi certaines maladies se développent, comment se produit la résistance aux antibiotiques ou pourquoi certains microbes peuvent décomposer le plastique", souligne le Comité Nobel.

Créer des protéines dotées de nouvelles fonctions "peut conduire à de nouveaux nanomatériaux, à des médicaments ciblés, à un développement plus rapide des vaccins, à des capteurs minimalistes et à une industrie chimique plus verte", poursuit-il.

Lors de l'annonce du Nobel, David Baker a ainsi cité la création de nouveaux antiviraux pendant la pandémie de Covid-19. Pour créer de nouvelles protéines, "si on travaillait de manière aléatoire, et purement en faisant des combinaisons, ça prendrait énormément de temps", détaille Mme Sacquin-Mora.

"Là, on part d'une protéine qu'on connaît un petit peu, dont on sait qu'elle fonctionne, et on fait des modifications, notamment dans la séquence, de manière très ciblée, pour arriver à la fonction qui nous intéresse exactement. On fait 50 tentatives au lieu de 5 millions, c'est un gain de temps considérable", dit-elle.

Le 9 octobre 2024. Sources : Keystone-ATS. Crédit photo : via www.nobelprize.org

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