Médecine - Des greffes de peau de cabillaud aux HUG pour la cicatrisation


GENEVE - Depuis une année, les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) proposent des greffes de peau de cabillaud à des patients porteurs de plaies. Damien Pastor, dermatologue et expert en soin des plaies, en a réalisé environ 70 avec des résultats prometteurs.

"Il faut prévenir le patient et les soignants : quand on ôte le pansement, ça sent le poisson", explique le médecin chef de clinique. Cette odeur, que l'on peut prendre à tort pour une infection, disparaît complètement au bout d'une semaine. Au niveau esthétique, il n'y a pas de trace d'écailles, précise-t-il.

Quand un représentant de l'entreprise islandaise qui commercialise ce substitut de peau à base de cabillaud l'a approché, Damien Pastor était plutôt réticent par rapport à un énième produit pour les plaies. Mais les résultats obtenus sur son premier patient l'ont convaincu.

Un échafaudage

Cet homme avait une importante plaie sur le crâne après l'ablation d'un carcinome cutané : l'os était à nu, avec un risque d'infection très élevé. Le spécialiste a posé la peau de poisson après avoir incisé l'os afin de faire migrer les cellules dans la membrane de cabillaud. La plaie a ensuite été mise sous vide à l'aide d'une pompe.

En trois semaines, le processus de cicatrisation était reparti. Une deuxième application du substitut cutané et une greffe finale de peau ont permis de complètement refermer la plaie. Depuis, le chef de clinique a réitéré cette technique sur deux autres patients. Une publication scientifique sur cette méthode est en préparation.

La peau de cabillaud est utilisée comme une matrice qui va être habitée par les cellules du patient. "C'est un peu comme un échafaudage", explique le dermatologue, qui est une référence à Genève dans la prise en charge des plaies. La peau de poisson va finalement complètement s'intégrer dans la plaie, accompagnant ainsi le processus de cicatrisation.

Riche en oméga 3

Mais pourquoi le cabillaud ? Premier atout de ce poisson blanc : sa peau a une structure similaire à la peau humaine, qui est enfeuillée et poreuse. Dépourvue de cellules vivantes, il n'y a donc pas de risque de rejet suite à une réaction immunitaire disproportionnée.

Ensuite, le cabillaud qui est pêché dans les eaux froides de l'océan Arctique ne transmet pas d'agents infectieux. Pas besoin donc de le traiter avec des produits qui le dénatureraient. La peau conserve ainsi ses oméga 3 qui auraient de puissantes propriétés anti-inflammatoires et antalgiques. Cette action rapide contre la douleur fait encore l'objet de recherche.

Un produit recyclé

La société islandaise spécialisée dans la commercialisation de ces peaux de poisson à des fins médicales s'occupe du processus de conditionnement. Les peaux de cabillaud sont nettoyées à l'eau, décellularisées et écaillées à la main avant d'être lyophilisées. Elles sont ensuite mises dans des emballages stériles permettant une conservation de trois ans.

Damien Pastor a essuyé très peu de refus quand il a proposé ce substitut cutané un peu original. "Les patients sont souvent sensibles à l'argument du produit recyclé, qui est dans l'air du temps", relève le spécialiste. Il a ainsi traité de nombreux ulcères chroniques, post-chirurgicaux et hyperalgiques. Les autres établissements hospitaliers universitaires de Suisse utilisent aussi ces peaux de cabillaud.

Du tilapia au Brésil

A noter qu'au Brésil, les médecins utilisent la peau de tilapia du Nil, un poisson d'élevage. Ils posent directement la peau non-traitée sur les plaies des grands brûlés. Les écailles grisâtres sont ainsi bien visibles. Les images de ces bras et de ces jambes recouverts de peau de tilapia sont impressionnantes.

Mais l’utilisation de la peau de tilapia, qui donnerait de bons résultats, n'a pas encore été autorisée par l'Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA), contrairement à celle du cabillaud utilisée par Damien Pastor.

Le 18 août 2024. Sources : Keystone-ATS. Crédits photos: Adobe Stock, Pixabay ou Pharmanetis Sàrl (Creapharma.ch).

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