Interview avec le pharmacien et Conseiller national Thomas Bläsi


Entretien entre Céline Dubas, spécialiste en communication, et Thomas Bläsi. Il est propriétaire de la Pharmacie du Museum à Genève et Conseiller national (GE/UDC).

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Voici l'interview en texte

Pharmapro.ch - Bonjour et bienvenue sur les ondes du podcast de Pharmapro « Parce que la pharmacie, c'est la vie » ! Nous nous trouvons aujourd'hui, mardi 20 août 2024, à Genève, entre les quatre murs de la pharmacie du Muséum. Son propriétaire et pharmacien responsable, M. Thomas Bläsi, a très gentiment accepté de se livrer avec nous au jeu des questions-réponses. Bonjour M. Bläsi.

Thomas Bläsi - Bonjour.

Vous êtes originaire de Genève, vous avez étudié la pharmacie à Genève et êtes, si je ne me trompe pas, depuis 2011 propriétaire de cette pharmacie.

Fin 2010. C'était presque juste.

Très bien. Racontez-nous un peu votre parcours de pharmacien.

J'ai fini mes études de pharmacie. Ensuite, j'ai fait mes deux ans obligatoires pour pouvoir devenir responsable entre deux pharmacies de quartier à Genève. Ensuite, j'ai pris une responsabilité à la pharmacie des Avanchets pendant huit ans pour un petit groupe familial. Et ensuite, je me suis installé en reprenant la Pharmacie du Museum à son ancienne propriétaire.

D'accord. Et donc, vous aviez depuis le départ l'envie de devenir propriétaire d'une pharmacie ?

Oui, j'ai une nature et un caractère un peu indépendants. Dans le parcours de pharmacien, c'est assez logique pour moi d'essayer d'avoir une pharmacie indépendante pour pouvoir travailler à mon compte et créer l'ambiance de travail qui me convenait le mieux. Et surtout, par rapport à l'apprentissage, c'était très important parce que je trouvais qu'il y avait pas mal de jeunes hommes et de jeunes femmes qui étaient un peu laissées sur le côté pour des raisons qui n'étaient pas forcément les bonnes. Et on a toujours essayé de prendre des apprentis dans cette pharmacie, qui étaient dans des situations, disons, pas classiques.

Vous aviez envie de former ?

J'avais envie de former, et puis du coup, ça a été des rencontres extraordinaires. J'ai eu une de mes apprentis qui était... qui était à l'assurance invalidité et qui travaillait à Genève en stage non rémunéré depuis presque deux ans et que personne n'envisageait de lui faire faire un apprentissage. Donc un peu envers et contre tous, cette jeune fille et moi avons lancé son apprentissage et le résultat c'est qu'elle a été la meilleure élève du canton, tout apprentissage confondu, qu'elle a désormais son diplôme, qu'elle est sortie de l'AI et qu'elle est indépendante. Et tous les mercredis, nous regardons une petite série ensemble parce qu'il y a un lien qui s'est créé, et donc voilà, on est restés très attachés. Et puis avec les autres apprentis, il y a aussi des attaches différentes qui sont créées, mais on essaie d'avoir un rôle social au travers de l'apprentissage. Et puis partant du principe que c'est quand même une profession dans laquelle on ne facture que 50% de notre travail, une profession en fait où le conseil est gratuit, on peut voir. Et donc du coup, c'est vrai que le personnel et les assistantes qui travaillent avec nous sont très importants.

Parce que la dimension humaine, le contact avec les patients, les clients, c'est primordial.

Oui, parce que les patients sont généralement des gens qui sont plus ou moins atteints dans leur santé. Alors évidemment que tout le monde ne vit pas avec la même gravité un rhume. Mais on a aussi des patients où malheureusement, ça peut être des enfants, qui ont un cancer, ça peut être des personnes qui sont condamnées alors qu'elles devraient avoir beaucoup de vie devant elles. Alors c'est important qu'on puisse leur apporter le plus de bien-être. Et puis, c'est un milieu qui est quand même différent du milieu hospitalier ou médical strict. Et donc ça nous permet d'établir des liens plus humains, plus sociaux, et d'essayer de contribuer à la rémission et à l'avancée des patients.

Quand vous avez souhaité devenir propriétaire, vous avez trouvé facilement une occasion de reprendre une pharmacie ?

Disons que je n'avais pas les fonds et les banques ne prêtent pas aux pharmaciens puisque, comme vous le savez, une pharmacie en Suisse se vend à 20% de son chiffre d'affaires, contrairement à par exemple les pays européens où une pharmacie se vend à 100 ou 110%, même parfois, du chiffre d'affaires. Ça fait que, du coup, les banques sont très craintives sur un marché qui produit relativement peu d'argent, contrairement à l'adage populaire.

D'accord. Et donc, comment vous avez fait ?

Alors, j'avais rencontré, lorsque j'ai passé mes examens de stage, deux pharmaciens qui, eux, étaient devenus propriétaires depuis, et qui m'avaient toujours dit que si un jour je souhaitais m'installer, ils seraient heureux que je vienne les contacter, ce que j'ai fait. Du coup, on s'est associés, et petit à petit, j'ai pu racheter les actions de ma pharmacie. Ça fait 13 ans et il me reste 35 000 francs de dette à rembourser encore. Ce qui fait que, vous voyez comme on dit qu'une entreprise doit être remboursée en 5 ans, très clairement dans le cas d'une pharmacie de quartier, on n'est pas dans cette logique de rentabilité.

Donc vous considérez que cette pharmacie est une pharmacie de quartier ?

Oui, je considère que c'est une pharmacie de quartier. Pour moi, étant donné que l'objectif financier n'était pas l'objectif primordial, j'estime que c'est une réussite parce qu'on a créé effectivement une ambiance de travail qui nous est personnelle, qui fait que je crois, je ne peux pas parler pour eux, mais je crois que mes employés ont plaisir à venir travailler le matin à la pharmacie. Et pour moi, c'est absolument essentiel. De toute façon, je serais incapable d'assumer une quelconque fonction politique si je n'avais pas cette équipe derrière moi qui me permet de libérer du temps pour les activités politiques, quitte à eux aménager leur emploi du temps pas toujours au milieu de leurs intérêts.

Donc j'allais y venir, votre engagement politique, ça fait de nombreuses années que vous vous engagez sur le plan politique, vous avez été élu à l'Assemblée constituante de Genève en 2008, vous me dites si je me trompe ?

C'est juste.

Puis au Conseil municipal de la ville en 2011 et 2015, De 2013 à 2023, vous étiez député au Grand Conseil du canton de Genève. Et au printemps 2023, vous avez quitté le Grand Conseil pour reprendre le mandat d’Yves Nidegger au Conseil national.

Oui, c'est exact.

Voilà, donc vous êtes conseillé national maintenant depuis le 30 mai 2023.

Oui.

Qu'est-ce qui vous a motivé à vous impliquer sur le plan politique ?

Alors, tout au départ, l'intégration au monde politique, c'était vraiment un hasard complet, puisque c'était un ami qui était sur la liste UDC à la constituante, qui m'avait demandé de participer à l'élaboration de leur programme de santé, parce qu'ils n'avaient pas de membres de la profession de la santé, donc j'ai accepté. Et finalement, j'ai été élu. Et pour une constituante, j'ai décidé de partir. Et puis, avec les années, je me suis rendu compte que dans mon parti, je bénéficiais d'une indépendance d'esprit par rapport aux textes que je déposais au niveau de la santé, qui étaient très grande. Je n'étais pas coincé par les lignes PLR un peu rudes au niveau social, qui sont importantes pour les professions de la santé ou par les lignes socialistes qui, elles, sont très rigoureuses par rapport à l'aspect commercial. Et au niveau de l'UDC, j'ai pu arriver à avoir ces deux composantes de mon caractère qui étaient importantes pour moi.

Et je dois dire que jusqu'à présent, ça a toujours très bien fonctionné par rapport aux textes que je déposais, par rapport à la réception qu'il y avait dans le parti, avec quelques incidents de parcours, avec une personnalité ou l'autre parfois, mais comme ça se fait dans toutes les familles.

Très bien. Et comment, alors vous l'avez brièvement évoqué, mais comment vous arrivez à combiner cet engagement politique avec votre travail à la pharmacie qui doit être déjà très prenant ?

Disons que la seule solution pour que tout soit compatible, c'est de ne pas prendre de congés, de ne pas prendre de vacances. C'est la règle de base puisque je ne compte pas sur les revenus de la politique et je ne prends aucun revenu annexe, c'est-à-dire que je participe à deux conseils d'administration, un c'est la SUAS, l'Association Suisse des Assurés, donc c'est un mandat bénévole, et l'Association des Pharmaciens Indépendants, donc c'est une toute petite association mais qui est importante aussi, c'est aussi un mandat à titre bénévole. Donc, disons qu'il faut compenser par le temps. Et du coup, j'achète mon temps de cette manière-là pour pouvoir faire de la politique. Et puis, je l'espère, déposer des textes qui ont un intérêt et une portée générale, en particulier au niveau de la santé.

Donc, on l'aura compris, vous ne faites pas de la politique pour gagner de l'argent. Mais du coup, quand vous dites que vous payez votre engagement politique, c'est que vous devez engager des gens pour vous remplacer à la pharmacie.

Il n'y a pas de secret. Quand je travaillais au municipal, je payais plus cher pour mes remplacements que ce que je gagnais. Au grand conseil, je gagnais à peu près 24 000 francs et je payais à peu près 24 ou 25 000 francs. Donc il n'y avait pas de gain. C'était vraiment de la milice, comme le veut le Parlement suisse. Et depuis que je suis au Parlement national, je dois gagner à peu près 80 000 francs, et les remplaçants sont montés à 45 000. Donc il me reste quelque chose qui me permet d'injecter et d'améliorer un peu le fonctionnement de la pharmacie.

Donc vous êtes légèrement bénéficiaire ?

C'est juste. Depuis que je suis au Conseil national, c'est légèrement bénéficiaire, c'est juste.

Vous êtes aujourd'hui le seul pharmacien représenté au Conseil national et le premier depuis une quarantaine d'années. Comment avez-vous été accueilli en tant que pharmacien au Conseil national et comment expliquez-vous que les pharmaciens soient si peu représentés à Berlin ?

Parce que je pense que déjà la profession de pharmacien est extrêmement prenante. Il y a de très grandes responsabilités. On ne rentre pas chez soi le soir en se disant « tout va bien » et en passant à autre chose parce qu'on a délivré des médicaments toute la journée. Alors oui, on l'a fait avec le plus grand sérieux, mais ça n'empêche pas pour beaucoup de pharmaciens de se repasser la liste de tout ce qu'ils ont fait dans la journée pour être sûr que le soir ils arrivaient à dormir sur leurs deux oreilles en étant sûrs d'avoir fait tout de manière correcte. Ensuite, les pharmacies telles que le système de santé suisse est fait sont dans une concurrence assez extrême dans les différentes villes et dans les différents cantons. Ce qui fait qu'ils n'ont pas forcément tendance à se rapprocher, ils sont souvent concurrents les uns avec les autres, et c'est dur souvent de déterminer des lignes communes d'action dans l'intérêt global de la population et de la profession en l'occurrence. Et puis je pense que c'est pas non plus forcément de notoriété publique. Beaucoup de gens se font une grande difficulté à l'idée de rentrer dans le monde politique ou de pouvoir obtenir un mandat. Alors que dans la réalité, ce n'est pas si compliqué que ça d'arriver à avoir des mandats politiques. Il faut juste arriver à trouver les sujets, les textes de loi, où il y a des défaillances, où il y a des dysfonctionnements, et puis montrer aux électeurs qu'en fait, on peut apporter une plus-value et qu'on peut vous faire confiance. Parce que je crois que réellement, à l'heure actuelle, ce qui est important, c'est la confiance qu'on peut établir avec les gens qui vous élisent. Et en faisant évidemment tous les efforts pour pouvoir la maintenir et puis en être digne aussi.

Vous avez évoqué tout à l'heure que vous faites partie d'une association de pharmaciens indépendants. Est-ce qu'au sein de cette association, il n'y a pas une volonté finalement de faire passer certains sujets au niveau politique et qui pourrait encourager certains autres pharmaciens à s'engager sur le plan politique ?

Alors c'est sûr, on a des... Alors la structure de l'API est une petite structure qui s'est construite au départ en réaction à la création de la pharmacie 24 à laquelle les indépendants étaient opposés. Elle a perduré dans le temps et aujourd'hui on s'intéresse à de nombreux sujets comme par exemple la possibilité de remplacement des préparateurs, c'est très spécifique au canton de Genève. Je crois que le Valais a ça aussi dans une forme un peu plus réduite, sur la formation de nos assistantes. Donc il y a beaucoup de domaines où on intervient et surtout d'avoir une réflexion effectivement sur les possibilités que doit avoir le pharmacien dans l'avenir. Donc typiquement un sujet parmi d'autres c'est la capacité de pouvoir se fournir sur les marchés étrangers parce qu'à partir du moment où on rembourse les médicaments étrangers aux patients suisses, ça veut dire que ces médicaments sont à priori reconnus par les caisses-maladie et par le système de santé suisse comme étant valables. Donc à ce moment-là, pourquoi nous interdire à nous de pouvoir les commander sur le marché extérieur et d'offrir des prix meilleurs ?

C'est des produits qui ne sont pas en vente sur le marché suisse ?

Aujourd'hui, on est limité à la capacité d'importer des produits sur le marché européen sous condition qu'ils ne soient pas disponibles sur le marché suisse. Ça, c'est les conditions actuelles. Mais le Parlement national ouvre la porte en disant que les assurés suisses peuvent aller acheter des médicaments à l'étranger et on leur remboursera, sans limitation de marché suisse ou pas marché suisse. Donc à ce moment-là, est-ce que la logique est de dire, pour maintenir des prix élevés en Suisse, pour d'autres raisons qu'on évoquera peut-être, de dire à nos patients, écoutez, allez vous fournir ailleurs, ça sera moins cher, et nous dire à nous, ah non, non, vous, vous êtes obligés de vendre ces médicaments chers. Il y a à un moment donné où le raisonnement ne tient pas, et où là, on voit qu'il y a une sorte de choc frontal entre l'intérêt de mondes totalement différents, que peuvent être les caisses-maladie, l'industrie pharmaceutique, et que le pauvre patient au milieu est souvent considéré ou se retrouve le dindon de la farce.

Alors justement, vous me tendez la perche pour ma prochaine question. Il y a un article qui est sorti sur le site internet info-imo.ch en février dernier, dans lequel justement, c'était un article qui était dédié à la thématique de la hausse des coûts de la santé et dans cet article, vous dites que l'assuré suisse est le dindon de la farce. Expliquez-nous pourquoi vous avez dit ça.

J'ai dit ça parce que l'assurée suisse est finalement très peu au courant de ce que coûtent réellement les choses dans le domaine de la santé. On voit finalement ce qui est visible de l'extérieur, c'est-à-dire qu'on voit le prix du médicament, on le voit bien puisqu'il est à peu près 54 à 60% plus cher en moyenne que l'Union européenne. Donc ça on le voit bien et on voit nos primes essentiellement. Et je dirais que d'autres corps de métier qui ont des revenus qui sont à 700-800% de ce qui se pratique en Europe, pour des raisons qui les concernent, mais eux sont relativement peu impactés parce qu'ils sont très organisés au niveau politique, ils sont très protégés en fait. Donc là je pense essentiellement aux médecins, hôpitaux et autres qui font du très bon travail, mais qui malgré tout coûtent beaucoup plus cher que dans le reste de l'Europe, mais on ne les embête jamais avec ces questions de prix. Tandis que le prix du médicament, dès qu'il y a un débat sur les coûts de la santé, on va vous dire que c'est les médicaments qui sont responsables de tout.

Alors les médicaments, c'est 10,5% des frais de la santé et c'est 22% des frais remboursés, donc des primes AOS. Donc oui, effectivement, ce n'est pas un chiffre anodin. Mais ce qui est important de dire, c'est que le pharmacien, lui, donc le revenu du pharmacien, même pas son revenu d'ailleurs, le résultat financier de la pharmacie qui permet de payer les salaires, ça coûte 3%. Donc le travail du pharmacien...

C'est la marge du pharmacien.

C’est ça, la marge du pharmacien en Suisse, c'est 3% des primes. Si on prend une prime d'environ 600 francs, ça serait 20 francs. Le fonctionnement de la caisse maladie, c'est 5,2%, donc ça serait à peu près 40 francs sur les primes. Ensuite, vous avez 100 francs pour l'industrie pharmaceutique et vous avez à peu près 400 francs ou 350 francs pour les médecins, hôpitaux et autres. Donc ce qu'on voit bien, c'est que le pharmacien, sur une prime mensuelle, il va coûter entre 15 et 20 francs aux personnes. Et ça, personne n'en a conscience.

On aurait l'impression que le pharmacien a plus d'impact sur la hausse des prix, c'est ça ?

On attribue aux pharmaciens la responsabilité du 22% du coût des médicaments sur les primes, alors que dans la réalité le pharmacien ne coûte que 3%. Le reste des 22% c'est de l'argent qui revient à l'industrie pharmaceutique. Donc on a ce problème déjà de connaissance des choses. Ensuite, l'autre problème qu'il y a, c'est qu'en Suisse, il y a des conventions qui sont signées entre les prestataires de soins privés et les caisses-maladie. C'est-à-dire que les prestataires de soins, pour pouvoir faire leur travail, vont rétrocéder une partie de l'argent aux caisses-maladie. Donc, dans le cas des pharmaciens, ils vont rétrocéder le 2,5% de leurs revenus aux caisses-maladie. Et ce 2,5% des revenus du pharmacien, il représente environ dans les 20 dernières années 60 millions par année, ce qui fait un chiffre d'affaires admis par les caisses-maladie officiellement d'un milliard 600 millions en 20 ans. Et sur ce 1,6 milliard, on s'est rendu compte qu'il y avait environ 150 à 250 millions qui avaient totalement disparu, en tout cas qui n'étaient pas du tout là où les caisses-maladie disaient qu'ils étaient. Et sur la totalité du 1,6 milliard, ce que j'ai pu constater avec des contacts, il y a justement un article du Temps qui a été fait sur ce sujet et sur les rétrocessions, donc des journalistes d'investigation ont fait l'enquête, et ce qu'ils ont pu constater en même temps que moi, c'est que l'OFSP a admis qu'il ne faisait aucun contrôle sur les caisses-maladie, alors que les caisses-maladie, par ailleurs, disaient qu'on n'arrête pas d'être contrôlés par l'OFSP. Mais l'OFSP n'obtient que des données agrégées des caisses-maladie, donc ils sont incapables d'aller dans l'analyse fine. Ce qui veut dire dans la réalité qu'on ne sait absolument pas comment ce 1,6 milliard a été utilisé par les caisses-maladie. Et la problématique de ça, c'est que vous avez d'un côté les pharmaciens qui ne représentent que le 3% des primes, qui génèrent 1,6 milliard d'argent dans un système parallèle de rétrocession.

Si vous étendez ces rétrocessions au 100% des coûts de la santé, vous arriveriez à un 80 milliards, partant du principe que l'industrie pharmaceutique elle aussi fait des rétrocessions, les médecins aussi, les laboratoires aussi. Cette somme d'argent énorme n'est absolument pas contrôlée.

Donc toute cette somme d'argent qui reviendrait aux caisses-maladie ?

Toute cette somme d'argent, par rétrocession, revient aux caisses-maladie. Mais, il y a quand même un mais, la LAMal prévoit que toutes ces rétrocessions ne peuvent aller qu'à un seul endroit, sur les primes d'assurance du patient.

En réduction des primes, oui.

Or, on a pu démontrer dans cette enquête que sur le 3% des pharmaciens, il y avait une part non négligeable qui n'allait pas sur les primes de l'assuré. Donc, en clair, cette pratique n'était pas du tout conforme à la LAMal.

Alors attendez, je me permets juste, parce que j'essaie de vous suivre, c'est assez complexe. Sur les 2,5% des pharmaciens, non ? Là on parle des 2,5% de rétrocession des pharmaciens vers les caisses-maladie. Et non pas des 3% de marge dont on parlait tout à l'heure.

C'est juste, excusez-moi. C'est sur ces 2,5%-là, c'est exact. Et ce principe-là, on a pu le mettre en évidence. J'ai pu discuter avec la conseillère fédérale, Mme Baume-Schneider. J'ai déposé un texte demandant qu'on fournisse les chiffres aux parlementaires. Et le Conseil fédéral soutient cette démarche, ainsi que la plupart des partis politiques, pour qu'une enquête générale soit faite sur à quoi sont utilisés ces fonds.

Mais là où ça fait vraiment réfléchir, c'est qu'à l'heure actuelle, ce qu'il faut bien comprendre sur le prix du médicament en Suisse, c'est que le marché du médicament en Suisse n'intéresse absolument pas l'industrie. Les 9 millions de concitoyens suisses, ça ne les intéresse absolument pas.

L'industrie pharmaceutique ?

Oui, l'industrie pharmaceutique. Ce qui les intéresse, en fait, c'est les exportations, c'est les 40% d'exportation. Or, la Suisse est prise parmi les 8 pays qui servent à fixer la moyenne pondérée à l'exportation vers l'Europe. Ce qui veut dire que plus le médicament va être cher en Suisse, plus ils vont augmenter leur rentabilité sur les 40% d'exportation qu'ils peuvent avoir. Donc la question qui me vient naturellement dans ma tête, avec un esprit peut-être un peu pervers, mais malgré tout une réflexion, c'est que la caisse-maladie va forcément, pour maintenir ce prix très élevé, intérêt de l'industrie pharmaceutique, demander une rétrocession. Et probablement que cette rétrocession sera beaucoup plus importante que le malheureux 2,5% du pharmacien dont on parlait tout à l'heure.

Rétrocession qu'elle obtiendrait de l'industrie pharmaceutique.

Exact. Bonne raison de savoir que ça existe. Maintenant, c'est des chiffres que j'ai évidemment essayé de prospecter, essayé d'avoir, à part me conseiller de regarder ailleurs et de ne pas m'occuper de ce sujet-là, j'ai eu relativement peu de retours. Donc c'est pour ça qu'il est très important que ce texte soit voté, que le Conseil fédéral soit derrière et qu'on ait une chance d'aller de l'avant. Parce que si on réfléchit bien, avec une somme hypothétique, mais projetée sur le pourcentage des pharmaciens de 80 milliards sur les 20 dernières années, on a plus ou moins l'erreur de l'AVS chaque année sur le système de santé. C'est ça que ça veut dire dans la réalité. Et ça, pour quelqu'un qui a une formation de pharmacien, qui sont nos auditeurs ce soir, a priori, ça devrait en fait être relativement facile à comprendre, à intégrer et choquant. Parce que si les pharmaciens font ces efforts, c'est pour que la population paye moins cher. Ce n'est pas pour autre chose. Et puis en espérant bien que l'État effectue un contrôle sur cet argent. Alors que dans la réalité, ce qui est très clairement apparu dans les articles, dans la volonté du Conseil fédéral et dans les chiffres, c'est que ce n'est pas comme ça que ça se passe.

Donc si je résume, on a un patient qui paye des primes d'assurance toujours plus élevées, qui paye des médicaments qui sont à un prix artificiellement plus cher pour favoriser l'exportation, enfin les revenus liés à l'exportation. On a des pharmaciens qui payent chaque année un certain montant aux caisses-maladie selon une convention signée il y a quelques années. Mais on n'a pas une bonne idée de ce qui est fait avec cet argent qui pourrait servir à baisser les primes d'assurance.

On a bien vu, les augmentations de primes qu'on a pu connaître de 8 ou 10 %, elles ont correspondu à des pertes boursières des caisses-maladie de 400, 600 ou 800 millions. Là, on parle déjà rien que sur les pharmaciens d'un milliard 600 millions sur les 20 dernières années. Ça couvrait toutes les augmentations. Donc, à quoi a servi cet argent ? Admettons qu'une partie de cet argent ait fini par retomber dans les réserves. Tout ce qu'on a pu faire sur la réserve a aussi bien démontré qu'on avait une opacité totale des réserves avec des réserves qui ne suivent pas les patients quand ils changent de caisse-maladie. C'est-à-dire que la réserve liée au patient dans une caisse alpha, s'il va dans une caisse Beta, l'argent restera au niveau de la caisse alpha. Il faut aller reconstituer au niveau de la caisse Beta et ça coûtera de nouveau une fortune à tout le monde. Donc c'est pour ça que dans l'article que vous citez, je me suis permis de dire qu'on avait confié notre santé à des assureurs bagnoles et qu'ils avaient finalement géré notre assurance santé comme ils géraient les assurances des voitures, c'est-à-dire un maximum de profit. Et à l'arrivée, on arrive avec une profession comme celle de pharmacien qui remplit un devoir, une obligation qui est la base de son métier, c'est-à-dire l'obligation de refus de vente. C'est-à-dire que vous avez évidemment l'aspect commercial, mais vous devez refuser de vendre un médicament aux mauvais patients ou si les conditions ne sont pas remplies. Ça, c'est vraiment un devoir important pour le pharmacien.

Vous devez accueillir les personnes, leur répondre, même si elles ne dépensent pas un centime dans votre pharmacie, et puis vous faites le travail de facturation pour les caisses-maladie puisque vos dossiers de facturation, les caisses-maladie auront juste à appuyer sur un bouton pour envoyer les factures. Mais pour appuyer sur ce bouton, elles prendront deux fois et demie le revenu du pharmacien. C'est-à-dire que le pharmacien coûte 3% des primes AOS et le fonctionnement administratif des caisses coûte 5,2%. J'avais arrondi au double, mais c'est un petit peu moins du double, mais ça veut dire que pour simplement appuyer sur le bouton, les caisses-maladie encaisseront beaucoup plus cher que le pharmacien pour faire le travail. Et ça, ça commence à être un problème, surtout dans un pays qui a connu récemment une pandémie où, si vous vous rappelez bien, tous les cabinets médicaux étaient fermés par un choix des médecins. Ils étaient fermés, ils n'avaient pas le droit de recevoir de patients. On continuait malgré tout d'envoyer des masques dans les cabinets médicaux fermés. On ne sait pas bien pour qui et pourquoi. Et dans le même temps, on expliquait aux pharmaciens qu'on avait les pharmaciens italiens qui étaient en tenue d'apiculteurs, on avait les pharmaciens du monde entier qui étaient protégés. Les gouvernements italiens et français ont installé des plaques en plexiglas dans les pharmacies. Quand en Suisse, vous arrivez à les acheter à 1 500 ou 3 000 francs, parce qu'évidemment les prix avaient explosé. Le Conseil fédéral considérait que le pharmacien était naturellement protégé de son virus par la largeur de son comptoir.

Il y a un moment donné où je pense qu'on devrait plus s'intéresser à la gestion de nos réserves de matériel, de masque, de matériel sanitaire, en ayant des lois correctes et puis en ayant une vista un peu à long terme de ce qui peut se passer. Typiquement, les Italiens nous avaient bien prévenus de ce qui allait arriver. Ça ne nous a pas empêché de laisser les traders vendre les masques qu'on pouvait avoir sur le territoire suisse vers la Chine ou vers l'Italie parce que les prix étaient plus élevés là-bas. Donc c'est pour ça qu'à un moment donné, alors évidemment que c'est une réflexion de manière qui est très générale, mais est-ce que finalement la santé a vraiment vocation à être sur le même système commercial et financier que tout le reste, parce que c'est un domaine particulier ?

Et donc, du coup, vous avez déposé une motion au Conseil fédéral qui demande plus de transparence.

En fait, elle exige.

Elle exige.

J'ai pris l'habitude avec les années, comme vous l'avez dit tout à l'heure, de ne plus demander. Quand on demande, on n'obtient pas toujours réponse donc j’ai exigé du Conseil fédéral, si le texte est accepté par le Parlement, qu'ils fournissent aux parlementaires de l'ensemble du Parlement, ou à défaut aux membres de la Commission de la Santé, les chiffres de toutes les conventions signées avec les prestataires de la Santé, avec tous les montants qui avaient été versés, ainsi que de leur fournir les moyens pour pouvoir s'assurer que cet argent avait bien été à la diminution des primes. Et j'ai eu l'heureuse surprise de voir que le texte avait été signé par pratiquement tous les partis politiques du National, et dorénavant était soutenu aussi par le Conseil fédéral. C'est-à-dire que le Conseil fédéral demande à l'Assemblée de voter le texte pour pouvoir faire une enquête et nous fournir ces chiffres. Ce qui montre qu'au niveau de l'administration, les explications qui ont été fournies sur ces rétrocessions et sur la manière dont elles étaient impactées par les caisses-maladie, y compris le travail des journalistes, a permis de montrer qu'il y avait véritablement un problème, un laisser-aller et pas de contrôle, alors même que les sommes en jeu sont importantes et ne peuvent aller qu'à un seul endroit, c'est dans la poche des citoyens.

Alors, vous n'êtes, d'après mes informations, pas encore membre de la Commission de la Santé au Conseil National, est-ce exact ?

Oui, c'est exact. Pour l'instant, j'avais demandé à participer à la Commission du Conseil National, mais c'est vrai qu'en arrivant en fin de législature, c'était difficile de bouleverser tout ce qui était organisé. Dans la deuxième législature, dans laquelle je suis, celle qui est en cours actuellement, je l'ai redemandé de nouveau à mon parti, mais ils estiment que le lien d'intérêt, le fait d'être pharmacien est un lien d'intérêt qui pose problème en étant membre de la commission de la santé.

Alors, comme on l'a vu tout à l'heure dans les chiffres, les pharmaciens représentent le 3% des primes AOS, les caisses-maladie représentent le 5,2% des primes AOS. Donc, j'estime à titre personnel avoir moins de liens d'intérêt que toutes les personnes qui siègent dans des conseils d'administration de caisses-maladie, y compris un certain nombre de personnes qui, par ailleurs, ont le droit de le faire, mais président des caisses-maladie, je crois qu'il y a Visana, Le Centre est un parti qui a énormément de représentants dans les caisses-maladie, je crois qu'ils en ont 8, l'UDC en a 4, le Parti Socialiste, j'avais fait l'erreur, n'en a pas. Mais disons que toutes ces personnes qui sont finalement financées au travers des conseils d'administration de caisses-maladie réunissent des salaires qui parfois sont supérieurs à leurs revenus de conseiller national. Donc, à un moment donné, il est légitime et logique de dire que ce n'est pas un pharmacien de quartier qui va avoir des liens d'intérêt posant problème au fonctionnement général de la commission. Par contre, très clairement, les membres de la commission qui sont membres de conseil d'administration de caisse maladie, eux, ils faussent complètement le jeu. Et pour avoir pu remplacer en commission, c'est vrai que ça complique très clairement le travail. Je veux dire, on ne devrait penser qu'à l'intérêt général du fonctionnement du système de la santé, en centrant évidemment autour du patient. La santé des caisses-maladie doit être assurée par un système qui fonctionne, pas par des interactions politiques en commission.

Donc vous aimeriez bien intégrer cette commission, et si vous l'intégrez, quel rôle aimeriez-vous y jouer ?

Je souhaitais vraiment intégrer la commission de la santé en début de législature. Aujourd'hui, avec une année de pratique du National derrière moi, je suis partagé, dans le sens où le fait de ne pas être membre de la commission de la santé me permet de déposer tous les textes que je souhaite sur la santé, sans qu'on m'oppose en fait de lien d'intérêt. Et comme je ne vais pas moi-même travailler sur des textes que j'aurais rédigés, parce que c'est aussi la difficulté, comme je vais rédiger des textes sur la santé qui vont être envoyés à la commission de la santé, je vais ensuite travailler sur mon propre texte. Donc c'est vrai que d'un point de vue fonctionnement, pour moi, c'est plutôt plus facile de faire mes textes à l'extérieur de la commission de la santé. Maintenant, je dois avouer que ça me chatouille un peu d'y être, parce qu'à un moment donné, on a envie de leur dire que la perception qu'ils font des métiers de la santé est extrêmement éloignée du terrain, et un pharmacien qui plus est, qui travaille dans son officine, a une vision assez générale des différents métiers de la santé.

D'accord. Merci. Je vais quitter un peu le monde de la politique pour revenir un peu plus au monde de votre pharmacie. Donc Pharmapro.ch, c'est la principale plateforme d'offre d'emploi pour le secteur de la pharmacie en Suisse. Et nous constatons que le marché du travail est de plus en plus tendu et que les pharmacies ont de plus en plus de peine à trouver les collaboratrices, les collaborateurs qu'elles cherchent. Vous, en tant que pharmacien, qu'est-ce que vous mettez en place ? Déjà, est-ce que cette situation vous correspond ? C'est effectivement ce que vous vivez au quotidien. Et qu'est-ce que vous mettez en place pour recruter les bonnes personnes ?

La situation que vous décrivez est tout à fait exacte. Je crois qu'on n'a jamais eu aussi peu d'étudiants en pharmacie dans les universités. Mais elle est logique. Je veux dire, avec les éléments qu'on a évoqués ensemble, on voit bien que le métier de pharmacien, c'est un, si ce n'est l’universitaire, le moins bien payé. À l'arrivée sur une carrière d'officine, je veux dire. Un pharmacien en officine, c'est 40 à 45 francs de l'heure. Après avoir fait, dans le meilleur cas, ces cinq années d'études, et dans le pire des cas, dix années d'études avec un doctorat, et à l'arrivée on vous propose un salaire de 45 francs de l'heure. Il y a quand même à un moment donné où vu la connaissance de la personne qui est derrière le comptoir, et ses capacités en fait à expliquer, à aider, à guider les gens, ou à lui-même remplir les premiers soins, elle est énorme.

Imaginons qu'on ferme les pharmacies pendant trois jours, il n'y a pas un système d'urgence qui n'explose pas, c'est sûr. C'est le premier recours, c'est l'endroit où on peut aller sans payer un centime pour avoir un conseil. C'est l'endroit où on peut rester aussi longtemps qu'on veut sans qu'un chronomètre se déclenche, autre que le pharmacien qui a quand même des occupations et qui ne peut pas rester qu'avec un seul patient. Mais disons qu'en tout cas, c'est une porte ouverte vers un scientifique de haut niveau et qui est accessible, sans rendez-vous, à toute heure du jour et je dirais même à toute heure de la nuit, puisqu'en fait, on a des services de garde. Les services qui sont remplis par le pharmacien sont malheureusement relativement peu visibles, puisqu'on n'a pas l'habitude de crier sur les toits quand on a détecté une erreur, quand on a détecté une interaction. Mais une toute petite pharmacie comme la mienne, si on n'arrête pas 10 ou 15 ordonnances qui potentiellement auraient conduit les patients à l'hôpital, on n'a rien fait de l'année. Donc des pharmacies qui ont des chiffres d'affaires qui sont 10 fois ou 15 fois plus grands que les miens, donc qui ont 15 fois plus de patients a priori qui viennent, arrêtent un nombre de potentiels problèmes qui est très grand.

Évidemment que le jour où un pharmacien se trompera, alors là c'est sûr qu'il sera à la une de tous les journaux. Même s'il n'est pas présent dans sa pharmacie, il sera condamné pour homicide involontaire, donc il faut quand même se rendre compte, parce qu'il y a non seulement le revenu qui est bas, mais il y a en plus le fait que si vous vous plantez, vous aurez une condamnation, que ce soit un membre de votre équipe ou vous-même qui a accompli cette erreur. Donc ce n'est pas un métier qui, si on le regarde comme ça, a l'air très séduisant. Après, quand on le pratique, c'est un métier qui est fantastique.

Ah, c'est joli de vous voir sourire comme ça ! On sent l’amour du métier.

Mais il faut le pratiquer. Il faut voir ce rôle. Typiquement, il y a des choses qui sont aberrantes dans la pharmacie parce que vous avez des règles extrêmement strictes pour protéger l'exercice médical du médecin. On le sait tous. Mais ce qui est complètement incroyable, c'est que les médecins partent en vacances, des fois pendant un mois, un mois et demi, deux mois, et puis vous vous trouvez dans une période estivale où, comme ils n'ont pas prévu les renouvellements de traitements, le pharmacien passe ses journées à avancer des médicaments pour que les patients chroniques puissent recevoir leurs traitements. Je rappelle que sans ces traitements, a priori, ils auraient une espérance de vie nettement plus faible. Donc le pharmacien doit prendre le rôle du médecin en vacances, pas sa rémunération, le rôle du médecin et ses responsabilités, mais pas la rémunération. Il va prendre en fait le rôle du médecin et il va avancer le médicament sous sa propre responsabilité. Imaginons qu'il y a un problème. Est-ce que le médecin fera l'ordonnance ? Ou est-ce qu'il laissera le pharmacien tout seul dans ses problèmes ? On ne sait pas. Quand vous avez des infirmières qui doivent mettre en place des protocoles ou des traitements, et puis que ces protocoles ou ces traitements n'ont pas été bien préparés, ou ils n'ont pas été bien expliqués, ou ils n'ont pas été bien compris, et qu'il n'y a pas de médecin pour les expliquer, les infirmières viennent vers le pharmacien qui prend des décisions qui de nouveau sortent complètement de son champ. Mais sinon le patient n'est pas soigné. Et toutes ces responsabilités-là qui s'accumulent les unes avec les autres, il faut vraiment se complaire dans des situations problématiques qu'on aime régler pour aimer le métier de pharmacien. Et du reste, c'est pour ça qu'en politique, je me suis beaucoup occupé d'aller chercher des dysfonctionnements, de savoir s'il était normal qu'un ministre part à l'étranger, ou qu’une thérapeute soit laissée assortir avec un homme qui, visiblement, était très dangereux. Il y a des tas de sujets, ou des tas de choses que le pharmacien cherche toute la journée pour être sûr qu'il n'a rien loupé. Et finalement, en politique, il y a dans la réalité beaucoup moins besoin de chercher pour trouver beaucoup plus de dysfonctionnements. Et c'est pour ça, vraiment, j'encourage les collègues à aller dans tous les partis politiques, peu importe qu'ils soient à droite, à gauche, ça n'a pas d'importance. Il faut que cette profession soit représentée parce qu'elle a des bases dans son fonctionnement, des bases sociales, et je pense qu'on a beaucoup à apporter à un Parlement qui ne nous connaît pas.

Quand je suis arrivé au Parlement, le pharmacien, pour eux, c'est le pharmacien de la vie est belle, celui qui roule dans sa Ferrari avec deux jeunes femmes à ses côtés, et qui en fait n'est pas du tout représentatif de ce qu'est un pharmacien aujourd'hui.

Du coup, est-ce qu'il y a quelque chose qui peut être fait sur le plan politique pour peut-être changer cette réalité et faire que le métier soit de niveau plus attractif, que plus de jeunes se forment au métier de pharmacien ?

Alors pour que plus de jeunes se forment au métier de pharmacien, il faut être clair, il faut améliorer les conditions de la profession. Ça c'est, y a pas de choix, parce qu'il y a un moment donné où il y a un pragmatisme, il y a un réalisme de la part des jeunes. Ils ont envie de réussir leur vie, de créer leur famille, d'avancer et d'avoir une rémunération correcte qui leur permet d'assumer tout ça. Clairement, la pharmacie, comme on l'a dit, ce n'est pas le métier pour cela. Donc, il faut réévaluer cette profession pour qu'en fait, ça corresponde au minimum aux compétences des personnes. Je forme des assistantes en pharmacie qui ont certes un CFC, mais c'est un des CFC les plus difficiles à obtenir. C'est beaucoup de travail et quand elles sortent, on peut leur offrir au mieux un salaire de vendeuse à la Migros, qui est une profession très honorable et particulièrement touchée dans le cadre du Covid dont on parlait avant et pour laquelle j'ai tout le respect, mais je veux dire, cette formation, elle n'est pas payée à son juste prix. Et il ne faut pas oublier que le corps médical, comme on le voit dans les journaux, c'est une réalité, est soumis à des grandes pressions des patients, voire parfois à de l'agressivité des patients, voire parfois à plus. Et là, nos assistantes en pharmacie, elles sont seules au comptoir. Oui, on est là, mais même si on est là, peu importe, c'est une profession qui est très féminine dans son ensemble. Quand l'État nous confie le rôle de gérer les dénonciations administratives des toxicomanes, il y a un moment donné où ça ne va pas. On n'a pas signé pour être policier, ça nous met en danger ce type de texte. On doit aussi faire les dénonciations sur les personnes victimes de violences conjugales, sur les personnes victimes d'abus de faiblesse. Voilà, donc toutes ces tâches ne sont absolument pas rémunérées. C'est pas que le but de la rémunération dans mon propos, mais c'est parce qu'en fait, véritablement, c'est la seule manière d'expliquer aux gens qui nous écoutent que 50% du travail effectué dans une officine n'est pas payé, en fait.

Et c'est toute la beauté de la profession aussi, je suis d'accord. Mais à un moment donné, cette beauté de la profession, elle ne peut pas servir à engraisser des gens qui sont déjà très gras. Et puis, ça serait bien qu'on nous laisse un peu de moyens pour pouvoir remplir les tâches qu'on doit accomplir ou celles qu'on nous attribue, parce que d'autres ne les font pas alors que c'est les leurs.

Parfait. Ça me paraît un magnifique mot de la fin, si ça vous va.

Je vous remercie beaucoup pour cette interview. Ça a été un plaisir et merci d'être venu dans mon officine.

C'est moi qui vous remercie d'avoir accepté de nous parler de votre métier, de votre activité politique, c'était passionnant. Nous vous souhaitons beaucoup de succès, en tout cas pour la suite de toutes ces occupations très prenantes.

Je pense que la Suisse sera combative et j'espère surtout qu'on gagnera sur ces rétrocessions parce que je pense que la population suisse ne mérite vraiment pas d'être en esclavage avec ses primes d'assurance maladie et ça ne correspond pas, à mon sens, à la réalité du terrain.

Alors, on croise les doigts ?

On croise les doigts.

À vous qui nous écoutez en podcast ou qui nous regardez sur notre chaîne YouTube, merci d'avoir suivi cette interview jusqu'à la fin. Si vous êtes en recherche d'emploi dans le secteur de la pharmacie, pensez à publier votre CV sur le site pharmapro.ch. C'est gratuit, très rapide, ça augmente votre visibilité et facilite vos démarches auprès des employeurs. Je vous dis à bientôt pour un prochain épisode du podcast de Pharmapro « Parce que la pharmacie, c'est la vie ».


Le 26 septembre 2024. Podcast/vidéo enregistré le 20 août 2024.

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